"J’aime le design très organique de Charles et Ray Eames"
Au salon Maison&Objet, nous avons rencontré Dorothée Meilichzon, primée créateur de l'année 2015. Nous n'avons, bien sûr, pas perdu l'occasion de lui poser quelques questions. Rencontre.
Journal Des Femmes : Vous venez d’être nommée créateur de l’année 2015 par le salon Maison&Objet : que ressentez-vous ?
Dorothée Meilichzon : C’est excessivement flatteur, j’ai été très touchée. D’autant plus que je suis designer industriel de formation, je suis donc autodidacte en architecture d’intérieur. C’est formidable d’avoir été remarquée alors que je faisais les choses dans mon coin.
Qu’est-ce qui, selon vous, vous a valu cette mention ?
Cette année, pour ses 20 ans, le salon souhaitait mettre en avant un designer français. Pour le reste, je ne sais pas. Peut-être que cela tient au fait que j’ai réalisé beaucoup de projets en très peu de temps, de A à Z, à savoir l’architecture intérieure, le mobilier, le design graphique… J’essaie d’intervenir sur tous les points de contact sans ne jamais rien laisser au hasard. C’est une démarche plus anglo-saxonne qui arrive doucement en France.
Comme récompense, vous avez imaginé une nouvelle structure pour le café du salon. Que pouvez-vous nous en dire ?
J’ai voulu travailler sur l’aspect éphémère du lieu. Je suis partie sur cette idée de panneaux théâtraux qui compartimentent l’espace et qui le rendent plus intimiste et convivial. Ils forment de petits salons, des zones plus confinées. Le travail sur la forme et la couleur créent un paysage assez lunaire. Pour contraster avec le salon, j’ai voulu des meubles noirs, très sobres.
Que vous évoque la thématique du salon "Precious" ?
J’ai beaucoup aimé tout le cheminement de pensée sur la fragilité des tendanceurs.
S’il ne devait y avoir qu’un designer ou architecte, qui serait-il ?
Charles et Ray Eames. Le duo était excessivement avant-gardiste pour son époque. Leurs créations sont aujourd’hui encore d’actualité. J’aime ce design très organique, ces formes enveloppantes qui se révèlent rassurantes et confortables. C’est ce que j’essaie de faire à travers mon travail.
Comment définir votre style ?
Convivial, j’espère. Je travaille essentiellement sur des lieux où les gens viennent se détendre : des bars, des restaurants. Mes scénographies doivent leur permettre de se sentir bien et d’interagir entre eux.
Pourquoi préférer travailler dans les hôtels, bars et restaurants ?
Je voulais être experte dans un domaine et ne pas me disperser. Par ailleurs, le design global s’applique mieux à ce type de lieux.
Où puisez-vous votre inspiration ?
Je ne fais pas de chaînes, de lieux multipliables à l’infini. J’essaie de créer des lieux uniques qui ont une personnalité propre. Alors on se demande dans quel quartier on est ? Quelle sera la clientèle ? Comment est l’immeuble ? De quelle époque ? Y a-t-il des éléments architecturaux ou d’art décoratif à réutiliser, des symboles ? Quelles sont les attentes de mes clients ? J’essaie de dérouler l’histoire du lieu, de façon à ce qu’il corresponde à son enveloppe. Tout ça permet de créer des choses uniques sans rien perturber.
Quels sont vos pronostics déco pour les années à venir ?
Cela fait un bon moment que l’on est sur une tendance nostalgique et régressive. On s’inspire du passé, le futur n’étant pas très optimiste ces derniers temps. Tant que le monde ira mal, on continuera à retourner vers des référents et choses connues, même si on les transforme. Quand l'avenir sera prometteur, on ira vers un univers plus futuriste.
Quelle est votre plus grande fierté ?
Mon dernier projet, l’hôtel Bachaumont. Puis ce sera le prochain, l’hôtel Panache qui ouvrira avant Noël.
A quoi ressemble votre chez-vous ?
Je l’ai dessiné mais ça a été un exercice très dur. Ce n’est pas ma spécialité. J’ai beaucoup travaillé les couleurs. Mais c’est la première cuisine que j’ai réalisée. Ça reste un chantier permanent que je fais évoluer en fonction de mes envies et de mes coups de cœur. C’est un espace d’entraînement.
Avez-vous des projets en cours ?
Je travaille sur un projet à Paris, un autre à Londres. Mais tant que rien n’est fait… Je préfère toujours vivre dans le présent.
Quel serait votre rêve déco ?
J’en ai plein ! Ça dépend des moments, j’ai toujours envie de faire de nouvelles choses. L’idée reste d’apprendre le plus possible et d’évoluer pour ne pas être centrée sur une même position. Chaque expérience nouvelle est bonne à prendre. Je m'occupe de beaucoup d’hôtels en ce moment, j’aimerais bien refaire un cinq étoiles, en France ou en Angleterre car ce sont des marchés que je maîtrise bien. C’est intéressant de travailler sur autre chose car le challenge est plus important.
Et votre pire cauchemar ?
Les copies. Je souffre dans mon métier des copies et des imitateurs. Il faut rester créatif, se remettre en cause et faire de nouvelles choses. Il y a en ce moment pas mal de lieux qui émergent à Paris et qui sont l’imitation, de l’imitation, de l’imitation de… Je n’ai pas beaucoup de respect pour ça.
Site : www.chzon.com