Entretien avec Laetitia Fortin
JournalDesFemmes.com : Parlez-nous de votre parcours. Avez-vous déjà collaboré avec des éditeurs ?
Laetitia Fortin : J'ai été diplômée l'année dernière du parcours artisanat et design de l'Ecole Boulle. Et non, je n'ai pas encore collaboré avec des éditeurs, mais j'en serais ravie !
Quelle est votre conception du design ?
Selon moi, le designer résout des équations. Le designer fait face à des questions complexes et y répond de manière belle et sensible.
Quelles sont vos sources d'inspiration ?
Je puise mon inspiration dans les matières et techniques que je travaille.
Comment travaillez-vous les matériaux ? Le cuir est-il votre matériau de prédilection ?
Mon parcours dans l'artisanat me conduit à penser un savoir-faire, à comprendre comment il fonctionne afin de l'intégrer dans le monde d'aujourd'hui. Je trouve qu'il est intéressant de chercher le potentiel d'une matière et de le développer pour ouvrir des portes, des possibilités jusqu'alors méconnues. Je qualifierais mon travail d'exploration empirique des matières et des techniques. Mon travail débute toujours par des recherches et des tests, dans une perspective très expérimentale. J'aime, en décrivant la matière au préalable, chercher ses potentiels et ses limites. J'attends de voir où me conduit la matière avant de commencer à créer. J'ai travaillé le textile, le cuir et maintenant le bois. Pour l'instant, le cuir, qui a l'avantage d'être à la fois souple et structurel, est effectivement mon matériau de prédilection. Mais j'ai encore le temps pour explorer toutes sortes de matières et me faire une nouvelle idée !
Que pouvez-vous nous dire sur vos projets Woven Link et Confidence ?
Woven Link est un projet auquel j'accorde beaucoup d'importance. Il est mon premier projet révélé au public, au salon du meuble de Stockholm en février 2014. Woven Link résulte de mon exploration des techniques relatives à la corde. Comme à mon habitude, j'ai décortiqué les techniques pour en tirer de nouvelles idées. J'ai retravaillé la corde et ainsi créé des motifs organiques dont la réalisation est collective.
J'ai réalisé le projet Confidence en collaboration avec le Musée des arts décoratifs Röhsska, à Göteborg en Suède. Mon objectif était de réinterpréter un meuble des années 1900. J'ai choisi de travailler un meuble d'apparat d'époque, qui se trouve dans le musée. Ce meuble, muni de nombreux compartiments secrets, m'a beaucoup inspirée. J'ai approfondi le thème du secret en m'intéressant aux potentialités des mécanismes cachés du meuble.
De quelle création êtes-vous la plus fière ?
La création dont je suis la plus fière est "Cuir de caractère", qui reflète mon caractère et mes goûts. Je considère la peau comme une surface de communication. La peau et sa sensibilité correspondent bien à ma personnalité.
Vos créations sont-elles le produit d'une conception durable et d'une sensibilité écologique ?
"Je préfère un espace avec peu de meubles de belle qualité qu'un espace envahi de meubles bon marché."
Oui, en tant que designer, tout ce que je produis à un impact sur la planète. Le designer ne peut éviter cette problématique. J'exploite régulièrement des chutes dans mes créations. Il existe une qualité dans le matériau déjà utilisé, mais aussi dans les matériaux qui se combinent. Dans Woden Link par exemple, j'utilise des chutes de l'industrie textile, des draps venant d'un hôpital local et des sachets plastiques usagers.
Avez-vous des maîtres, des designers que vous appréciez particulièrement ?
J'admire beaucoup Patricia Urquiola, mais aussi Hella Jongerius et le Studio Formafantasma, pour leur travail de la forme et de la matière, que je trouve particulièrement intéressant. J'ai rencontré de jeunes designers et des studios, dont le travail est remarquable, aux salons du meuble de Stockholm et de Milan, comme le Studio Vij5 , Monique Consentino et Lith Lith Lundin.
A quoi ressemble votre salon ?
Mon salon ressemble à un bazar créatif. Je collectionne les tissus, les objets et les matières, dans un esprit bohème. J'ai par exemple rapporté de mes voyages un masque africain, en référence aux arts premiers, un masque japonais, objet spirituel par excellence, ou encore des porcelaines et des tapis de Suède, un pays qui porte un grand intérêt aux objets recyclés et seconde main.
Quel est, selon vous, le pire faux pas déco ?
La surcharge ! L'œil doit pouvoir se balader dans l'espace. Je préfère un espace avec peu de meubles de belle qualité qu'un espace envahi de meubles bon marché.
Portrait chinois : Si vous étiez :
Une musique : Ludovico Einaudi
Un matériau : le cuir
Un animal : une biche
Un meuble : une coiffeuse
Un plat : une tarte flambée
Une couleur : un blanc cassé qui se rapproche de la couleur corde
Un parfum : Acqua di Gioia d'Armani
Un pays : la Suède
Quels sont vos projets en cours ?
Je continue à développer mon projet "Cuir de caractère". Je prépare pour cela une gamme d'objets et de mobiliers. Je participe à l'événement Meet My Project, qui se déroule du 8 au 13 septembre à Paris, ainsi qu'au Salon du cuir du 16 au 18 septembre à Paris, où je présenterai au public "Cuir de caractère".
Auriez-vous un conseil déco pour nos lectrices ?
Il est primordial de se sentir en harmonie dans l'espace dans lequel on vit. De plus, il faut bien choisir son textile, qui donne souvent un vrai "plus" à un intérieur.