Philippe Nigro : "Un mobilier doit durer et bien vieillir dans le temps"
Lors du dernier salon Maison&Objet, il était sacré "Créateur de l'année". Une belle reconnaissance pour ce designer qui travaille entre Milan et Paris et collabore avec des éditeurs de renom comme Ligne Roset ou Hermès. Entretien.
JournalDesFemmes.com : Vous êtes le "Créateur now! design à vivre" 2014 de Maison&Objet. Comment vivez-vous cette mise en avant ?
Philippe Nigro : C'est une belle reconnaissance qui me permet de faire une sorte de bilan de ces dix dernières années. Cela me permet aussi de faire cohabiter, ici à Maison&Objet, des pièces que j'ai réalisées pour différentes marques. Ca me sert à faire le lien entre les objets et des recherches liées à la forme, à la fonction.
La thématique du salon est "Elsewhere" (Ailleurs). Est-ce que cela vous parle ? Vous retrouvez-vous dans ce terme ?
C'est inspirant... C'est marrant mais un des projets présentés dans les vidéos qui tournent sur mon stand portait ce nom. C'était un de mes premiers projets : un aménagement de jardin temporaire pour le Festival des Jardins à Chaumont-sur-Loire.
L'ailleurs, c'est aussi votre vie et votre votre travail entre Milan et Paris, non ?
Oui, je navigue entre les deux. Milan, c'est inspirant. C'est le foyer de ce fameux design italien que je côtoie au quotidien.
Pour les néophytes, c'est quoi le design italien ?
C'est l'expérimentation, la recherche, les mouvements radicaux... Il y a un côté un peu plus artistique dans ce design-là. Par rapport au design scandinave par exemple, suivant lequel la fonction est déclarée et facile à interpréter. Le design italien va aussi au-delà de la simple esthétique : c'est aussi un manifeste, une prise de position politique.
Comment concevez-vous votre mobilier ?
Ce sont souvent des propositions spontanées. J'essaie avant tout d'analyser et de comprendre à quel éditeur j'ai affaire : ce qui le caractérise, son savoir-faire, ses valeurs, ses codes, sa clientèle, de façon à les interpréter et de les réinsérer dans le projet sur lequel je travaille.
Pour le moment, vous travaillez avec des éditeurs de renom et de grandes maisons. Envisagez-vous de collaborer un jour avec des marques plus grand public ?
Oui, bien sûr ! Et même dans d'autres domaines que celui du mobilier : pour des produits, de l'art de la table...
Quels sont vos matériaux de prédilection ?
Ce sont ceux que je connais le mieux. Ils sont assez traditionnels, comme le bois, le métal, la mousse, le tissu. Quand je suis confronté à un nouveau matériau que je ne maîtrise pas particulièrement, je vais essayer d'apprendre avec l'éditeur comment l'utiliser au mieux. Du coup, cela va m'enrichir et me permettre de dialoguer avec un maître sur un savoir-faire que je ne connaissais pas.
Avez-vous des maîtres, des designers que vous appréciez par dessus tout ?
J'ai eu la chance de collaborer pendant plusieurs années avec Michele de Lucchi. Pour moi, c'est un personnage. Sinon, il y a Achille Castiglioni, Eileen Gray, les Eames, Gaetano Pesce, des gens qui ont créé des pièces iconiques et classiques.
Justement, y a-t-il des pièces iconiques du design que vous auriez aimé créer ?
Il y en a plein ! Par exemple, la Tolomeo de Michele De Lucchi, une lampe magnifique. Des lampes de Castiglioni pour Flos également. Je suis aussi très sensible au travail de Gaetano Pesce, notamment à son fauteuil Feltri qu'il avait fait pour Cassina.
Qu'est-ce qui vous rebute le plus dans le design ?
Le côté trop éphémère et trop "mode" me dérange un peu. Un mobilier doit durer et bien vieillir dans le temps.
Comment définiriez-vous votre style ?
En fait, il dépend de l'éditeur avec lequel je travaille.
Votre portrait chinois. Si vous étiez...
Une musique : la pop anglaise ou le rock new-yorkais
Un animal : un oiseau
Un plat : un pizza
Une couleur : le bleu
Un matériau : le bois
Un meuble : un canapé
Une femme : Eileen Gray
A quoi ressemble votre salon ?
Là, il est vide car je viens de déménager. Donc à rien. Il ne ressemble à rien !
Et il y aura quel canapé ?
Je crois qu'il y aura le Pilotis que j'ai dessiné en 2012 pour DePadova.