Marine Peyre : "Mon pire ennemi, c'est l'ennui"
Marine Peyre est la designer de référence de "Cooked in Marseille", dont le nom résonne de plus en plus souvent dans le monde de la déco. Des tasses en silicone, des verres réversibles, des lampes colorées ou de craquant "Flowertube" pour mettre du vert un peu partout : ses créations vives et originales se savourent dans tous les sens, avec le grain de l'intelligence en plus.
Comment a débuté laventure "Cooked in Marseille" ?
Cooked in Marseille est né sous forme associative en 1998, lorsque j'étais en dernière année des Beaux Arts. Nous avions avec deux étudiants de ma promo fait notre sujet de diplôme sur la création d'une agence de design. Nous avons la même année remporté un concours national pour la direction artistique et la mise en scène de l'exposition "Design 10 ans" qui passait en revue 10 ans de design dans les écoles d'art françaises. Ce projet était à l'initiative du ministère de la culture, et nous avons travaillé avec un budget d'un million de francs, ce qui était énorme pour nous. Ce fut notre premier projet et naissance de l'association "Cooked in Marseille".
Vous avez commencé à être reconnue grâce à vos créations en silicone ; pourquoi avoir eu envie de travailler cette matière ?
C'est un hasard, qui vient d'une expérimentation sur les matériaux innovants. Je jouais à l'époque à 'chimie 2000', en achetant les matériaux bruts et en essayant de les transformer dans mon atelier. La silicone en faisait partie et j'ai découvert ses caractéristiques de résistance à la chaleur et ses qualités plastiques, surtout par rapport à la diffusion de la lumière. Le projet de la "lamp'oule" m'a permis de travailler le matériau de manière industrielle et d'en découvrir toutes les caractéristiques. Le fait de pouvoir travailler avec un fabricant ouvert sur le décalage du matériau pour des applications de design m'a poussée à envisager d'autres projets en silicone, surtout au niveau de l'art de la table, et toujours par rapport à la résistance à la chaleur.
Et en ce moment, quelle matière aimez-vous travailler ?
Je suis à la recherche de matériaux durables mais dans le domaine des plastiques. Je cherche des résines naturelles pouvant être appliquées sur des fibres naturelles, et aussi du caoutchouc naturel. J'adore les matériaux synthétiques pour leur aspect physique et ce qu'ils représentent dans l'histoire du design, les mono matières, les moulages, la révolution pop, etc. Mais je suis consciente, au-delà du discours bobo ambiant, que notre environnement est important et que le design doit aussi s'en soucier. Donc, je cherche des pistes pouvant lier l'utile à l'agréable.
Comment définissez-vous votre style ?
Spontané, simple et pétillant. J'essaie d'éviter la gratuité des formes, de donner un sens à l'objet, soit par la matière, soit par la fonction, soit par l'histoire qu'il raconte.
Vos réalisations sont très modernes, mais gardent constamment une touche de souplesse et dhumour ; est-ce en rapport à votre caractère ou à votre conception de la vie ?
Complètement, mon pire ennemi est l'ennui et ce métier est fait pour s'amuser !
Vous avez participé à laménagement du Pavillon Noir à Aix-en-Provence : cest un univers artistique assez sombre et très contemporain. Comment vous y êtes-vous adaptée ?
J'adore le travail de Rudy Ricciotti et c'était très instructif pour moi de travailler sur ce bâtiment. Son radicalisme et sa modernité ne sont pas antinomiques avec mon travail et j'apprécie le noir en tant que couleur à part entière. Le travail avec Fred Rubins, plasticien qui a réalisé les luminaires a été aussi très intéressant, je pense que les croisements de champs culturels sont très importants et permettent d'aller plus loin. Comme disait Charlotte Perriand, "il faut sortir de nos petites cases" ( ... de designers...).
Quelle sont vos références ou vos influences en matière de design ?
Joe Colombo, depuis et pour toujours.
Quelle serait la maison idéale pour vous ?
400 m² d'un bloc, sans rien qui traîne, des murs de rangements, des murs vitrés et des murs de lumière, et des canapés surdimensionnés modulables et mous, un lit rond, un couloir de piscine de 25 m, un toit terrasse et la vue sur les toits des buildings et la mer en arrière-plan... facile non ?
Les noms de vos créations jouent souvent sur les mots et donnent un ton amusant à votre collection : est-ce cela aussi être moderne ?
Etre moderne, c'est surtout une attitude à la vie, un regard sur les choses... ne pas avoir peur d'aller au-delà de ce qui est convenu.
Pourquoi avoir choisi ce nom "Cooked in Marseille" ? Quel est votre attachement à cette ville ?
Je suis marseillaise et j'ai décidé de créer mon activité ici, ce qui n'est pas simple. J'aime la souplesse de cette ville et sa nonchalance, à l'opposé de ce que l'on appelle l'esprit français. Mais elle m'énerve en même temps, car trop lente et trop villageoise, pas assez urbaine en réalité. Je la considère comme un port d'attache, autour duquel j'essaie de pouvoir graviter et me nourrir d'autres influences. "Cuisiné à Marseille", c'est ça, chercher des ingrédients un peu partout et les mijoter ici au calme.
Et Marine possède une recette aussi magique qu'un poème :
"Choisir les ingrédients les plus fins,
les idées les plus fraîches,
les découper,
les émincer,
les mélanger...
Pour en extraire les substances essentielles,
ajouter une dose d'humour,
assaisonner de style
et servir avec un peu d'audace..."
» Ses créations en images
» Quelques réalisations : aménagement du Centre Chorégraphique National d'Aix-en-Provence, mise en valeur des espaces à Chateau-Gombert, installations végétales pour le jardin des rues à Lyon, "Design 10 ans". Conception et création pour plusieurs marques, comme Pantone, Love to love, etc.
» Où trouver ses créations ? Marine Peyre travaille avec un distributeur italien : dcubedesign.it
» En savoir plus : www.cookedinmarseille.net