BigBug : dans les coulisses déco de la maison du futur
A quoi ressemblera la maison en 2045 ? Selon BigBug, le nouveau film de Jean-Pierre Jeunet sur Netflix, elle sera rétro-futuriste. Découverte de l'incroyable décor et des secrets de tournage avec la cheffe décoratrice Aline Bonetto.
Le réalisateur Jean-Pierre Jeunet et la cheffe décoratrice Aline Bonetto n'en sont pas à leur coup d'essai quand il s'agit de créer un univers décoratif riche, soigné et plein de sens. La preuve Aline Bonetto a déjà remporté le César des meilleurs décors pour Le fabuleux destin d'Amélie Poulain et Un long dimanche de fiançailles. Une récompense que l'on souhaite aussi au tout nouveau film BigBug disponible sur Netflix le 11 février 2022. Direction l'année 2045, dans un monde où les robots sont devenus la norme et où les personnages se retrouvent enfermés dans leur maison futuriste. Une demeure épatante dont Aline Bonetto nous livre les secrets.
Pourquoi la déco en 2045 a-t-elle un air rétro ?
On est surtout rétro par les collections que fait le personnage d'Alice. Pour le reste, on est finalement dans un univers très sobre, si ce n'est dans le choix des couleurs. Je voulais un vrai mélange entre la modernité et les lignes anciennes des années 50. Je ne me cantonne ainsi pas à un style mais je mélange les époques. La cuisine fait référence aux couleurs des modèles américains des années 50, le canapé est plus inspiré des années 70 et l'architecture de la bibliothèque est plus contemporaine avec une façon organique de travailler le bois.
Il y a peu d'accessoires sur les murs, pas de cadre par exemple, et les étagères de la bibliothèque sont l'endroit le plus accessoirisé. On devait non seulement rester sobre pour la caméra, mais aussi pour raconter le futur.
Le mobilier est tout en courbes et aussi très modulable, pourquoi ce choix ?
C'est une véritable intention ! Quand on s'est posé la question de comment vivra-t-on en 2045 et quels seront les changements, on s'est dit que tous les meubles seraient intégrés et transformables, que chaque chose serait à sa place et qu'il n'y aurait pas de fioriture.
La caméra allait beaucoup se déplacer dans ce décor et les courbes permettent de passer d'un espace à l'autre de manière très fluide. J'ai donc gommé un maximum les angles pour que le regard ne soit pas heurté. De la même manière, la cuisine a un plan de travail pensé comme un meuble pivotant de manière à optimiser l'espace et ne pas gêner le déplacement des acteurs. Selon les scènes, la table ne se trouve ainsi pas au même endroit, ce qui présente beaucoup d'intérêt pour la réalisation.
Parlez-nous des éléments phares du décor.
Toujours dans la cuisine, j'ai déniché les tabourets chez la marque Hay. Ils devaient être suffisamment sobres pour le décor mais aussi correspondre à une réalité technique puisque Jean-Pierre Jeunet souhaitait que les acteurs puissent se retourner une fois assis. Le frigo Smeg est le fruit d'une modification de son design d'origine : nous y avons ajouté l'écran.
Dans le salon, le canapé est un vieux modèle des années 70 chiné en Belgique. Comme il était en mauvais état, j'ai simplement gardé la structure et j'ai tout refait. Quant à la table basse, j'ai beaucoup cherché car elle devait être circulaire, de taille spécifique, être une source de lumière et supporter le poids d'une des comédiennes. J'ai fini par designer la table et pendant une fraction de seconde, c'était douloureux de la voir détruite à la fin du film.
Enfin, la banquette sous l'escalier, façon canapé convertible, est en fait un lit complet que l'on vient rajouter pour les scènes. Le mécanisme que vous voyez à l'écran a lui été rajouté en VFX (effets spéciaux).
Comment avez-vous sélectionné les objets "précieux" de notre quotidien ?
Pour ces objets de collection, on s'est demandé ce qui serait trace du passé en 2045. J'ai donc intégré un des premiers téléphones portables Nokia, un porte-monnaie avec des pièces, un trousseau de clés, un mètre... L'idée était de raconter le passé dans chaque objet.
Est-ce que la décoration d'un huit clos est différente de celle d'un film classique ?
Il y avait tout un jeu de regards et de déplacements qui fait que les volumes devaient être pensés au millimètre. J'ai parfois dû déplacer très légèrement des éléments pour que ce soit possible. C'est une approche très méticuleuse et on doit en même temps veiller à une certaine richesse pour que le lieu reste intéressant. Par exemple, le jardin intérieur n'était pas dans le script original mais il donnait finalement une perspective et donnait de l'air au décor. Mes recherches m'ont aussi montré qu'on était déjà dans ce genre d'expérimentations pour les architectures du futur !