Imprimante 3D : ce qu'il faut savoir sur cette innovation
Entre les fab labs et l'événement Maker Faire, cette machine commence à être de plus en plus visible et utilisée. Même un grand magasin parisien s'est mis à en vendre ! Focus sur cette révolution en marche du design, avec Philippe Schiesser, président de l'Apedec.
L'APEDEC est l'Association des professionnels de l'écodesign et de l'éco-conception et regroupe notamment l'Ecodesign Fab Lab, établi à Montreuil, un atelier low tech où sont traités et détournés les déchets de bois. Ce fab lab possède également une imprimante 3D qui permet de compléter la production réalisée à partir de machines plus traditionnelles.
A quand remonte l'apparition des premières imprimantes 3D ?
Philippe Schiesser : La technologie existe depuis une trentaine d'années à peu près. Mais en remontant plus loin, c'est Hergé qui, le premier, a innové en 1972 avec sa bande dessinée Tintin dans laquelle le professeur Tournesol utilisait une photocopieuse tridimensionnelle. Les auteurs de science-fiction ont également réfléchi à une machine à répliquer. La technologie n'est donc pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c'est son accessibilité auprès des particuliers par le biais de l'open source qui rend des brevets publics et qui permet les partages de plans. On peut ainsi monter soi-même sa machine pour peu de frais. Après, il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas encore accessible à tout le monde, même si un grand magasin parisien (le BHV, pour ne pas le citer !) a mis en vente une imprimante 3D. La tendance est donc issue d'un milieu scientifique, celui du MIT (Massachussets Institute of Technology) et des fab labs. Depuis dix ans, cette université œuvre beaucoup pour la fabrication numérique et additive.
Et, pour les non-initiés, qu'est-ce exactement qu'un fab lab ?
C'est un laboratoire de fabrication. Le MIT a établi une charte qui définit ce qu'est un fab lab. L'Ecodesign Fab Lab est labellisé MIT, le seul dans l'Est parisien d'ailleurs. L'idée est d'avoir une communauté de créatifs qui viennent utiliser un parc de machines, respectant une liste d'équipements numériques transmise par le MIT (fraiseuse numérique, découpe laser, imprimante 3D...), et partager et documenter leurs créations. Voici la définition d'un fab lab. Avec, si possible, la notion de gratuité. Ce qui en soi est compliqué, les machines étant chères... C'est donc une approche citoyenne de la technologie.
Depuis quand les imprimantes 3D se sont-elles démocratisées ?
Cinq ans maximum. C'est assez récent. On peut suivre un indicateur, celui du nombre de fab labs qui doublent à peu près tous les 18 mois. Aujourd'hui, il y a environ 300 fab labs dans le monde, dont 50 en France. C'est aussi un marché dont la croissance annuelle est de près de 30 % : on devrait passer d'un marché mondial de 2 milliards de dollars à environ 20 milliards d'ici 2020.
Comment fonctionne une imprimante 3D ?
On peut utiliser un dessin que l'on trouve sur un site de partage de fichiers et lancer l'impression 3D en cliquant sur un simple bouton "print". Il est également possible de dessiner soi-même l'objet. On insère ensuite une bobine de plastique dans la machine, que l'on paramètre en amont pour être sûr que le plateau est bien à l'horizontale. Puis on lance l'impression. Et on attend. Longtemps. Deux-trois heures car ce type d'impression est très lent. C'est à la fin seulement que l'on voit si l'objet réalisé est bien ou s'il faut recommencer en modifiant des réglages. Tout dépend du fichier utilisé, du préréglage de l'imprimante, de la qualité et de la couleur du fil utilisé...
L'imprimante 3D est-elle une technologie écolo ?
En soi, non, ce n'est pas un équipement écologique puisqu'on consomme du plastique. On fabrique des prototypes qui entraînent beaucoup de déchets. Après, il peut y avoir des conceptions via imprimante 3D beaucoup plus écologique : par exemple, au lieu de faire venir une pièce de Chine, on va l'imprimer directement.
Quels autres matériaux que le plastique peut-on utiliser avec une imprimante 3D ?
Aujourd'hui, on est plutôt sur des plastiques soit traditionnels (type ABS), soit biosourcés (type PLA) pour les petites machines d'amateurs ou grand public. Avec des machines professionnelles - plus grandes -, on peut utiliser de la poudre de fer mais c'est beaucoup plus coûteux. Aujourd'hui, ça ne coûte pas grand-chose en matière première de faire de l'impression 3D à base de plastique. Il existe néanmoins des projets avec d'autres matériaux, à base d'algues par exemple.
Combien coûte une machine pour grand public ou amateurs ?
Entre 700 euros et 1 200 euros pour les premiers prix. En sachant que c'est un marché qui évolue tous les jours. Au BHV, il me semble que la machine était vendue aux alentours de 1 000 euros. Personnellement, je ne conseillerais à personne aujourd'hui d'acheter une imprimante 3D pour plein de raisons : les technologies vont encore évoluer et, les vitesses étant lentes, cela ne favorise pas une création rapide... Je dirais plutôt de venir essayer cet équipement dans un fab lab et de découvrir aussi toutes les autres machines disponibles, sans doute plus intéressantes pour exprimer sa créativité. L'autre avantage du fab lab est le partage : si on reste à nouveau isoler chez soi avec plein de machines numériques, je ne pense pas que ce soit une vision sympathique de la société du futur. Il ne faut donc pas perdre de vue l'interaction avec les autres, le partage et l'hybridation de la création. A l'Ecodesign Fab Lab, nous travaillons notamment sur la récupération de bois et avons créé un luminaire en bois, avec abat-jour en plastique transparent fabriqué par impression 3D. Ce projet est une hybridation entre low tech (machines à bois traditionnelles) et high tech (imprimante 3D).
Que fabrique-t-on avec une imprimante 3D ?
En Chine, il y a une machine qui imprime des maisons à base de béton et de déchets recyclés désormais. Ce serait réducteur d'évoquer seulement les machines 3D qui impriment de petits objets. Il y a pas mal de révolutions possibles : dans le domaine médical, avec les prothèses notamment, dans la mode aussi, dans l'aéronautiques, les transports
L'imprimante 3D est donc une révolution ?
Oui ! Car par rapport à la production habituelle, on peut avoir des objets rentables dès la production de la première pièce. Avant, il y avait d'abord besoin d'un moule très coûteux. Puis il fallait travailler sur la production, la commercialisation pour être sûr d'avoir une certaine quantité et d'être rentable. Avec l'imprimante 3D, le prototype peut d'ores et déjà être rentable puisqu'on peut le vendre.
Ecodesign Fab Lab organisera des ateliers participatifs autour de l'imprimante 3D à la Biennale Déco & Création d'art, au Centre national de la dans à Pantin (Seine-Saint-Denis), du 10 au 12 octobre 2014.