Mort d'Andrée Putman, icône du design français
Samedi 19 janvier, Paris est sous la neige et la dame en noir fauche la styliste Andrée Putman, figure de l'élégance, sacrée pour ces damiers.
Elle avait la gueule de travers, une houppette travaillée, un sens inné du style, une sobriété patentée. Andrée Putman a rendu l'âme, chez elle, dans le sixième arrondissement, à l'âge de 87 ans.
Blonde austère à la voix rauque, au maintien impeccable, Andrée Putman naît Aynard en 1925, à Paris. Elle passe ses vacances à l'abbaye cistercienne de Fontenay (Côte-d'Or), selon Libé. Rebelle dès l'adolescence, elle racontera plus tard à France-Amérique : "Mes parents me destinaient à une carrière de musicienne. Mais, depuis l'enfance, mon besoin de liberté et ma capacité à dire 'non' étaient les principaux traits de mon caractère. Ainsi, quand j'ai eu 15 ans, je suis devenue 'le mouton noir des moutons noirs' en décidant de vider ma chambre de tous les objets que je trouvais trop marqués de signes du passé, du statut social et de l'arrogance d'un milieu qui m'étouffait. Moi, je voulais un lit en fer, une chaise contemporaine et une affiche de la galerie qui exposait Miró. Avec ce vide de ma chambre, je me suis libérée, j'ai rejeté les diktats du bon goût, de l'élitisme et de la bourgeoisie éclairée".
Celle qui se destine au métier de pianiste devient finalement journaliste et épouse du collectionneur d'art Jacques Putman. Ce qui aurait pu faire d'Andrée une vieille rombière, lui permet de frayer avec Andy Warhol, Louise Bourgeois, Samuel Beckett ou encore Marguerite Duras. Directrice artistique de Prisunic, puis architecte d'intérieur après son divorce en 1978, cette frondeuse toujours perchée sur ses mules fétiches, s'érige alors en papesse du chic minimaliste.
La "grande dame du design" se fait connaître à New York avec sa rénovation de l'hôtel Morgans sur Madison Avenue, aux salles de bains célèbres pour leurs carreaux noir et blanc. Puis Andrée Putman, toujours géniale, réalise des bureaux ministériels. Son aménagement frappe les esprits par sa modernité et sa dimension visionnaire. Classe et intemporalité caractérisent les objets, le mobilier et les espaces qu'elle dessine avec talent.
"Elle voulait créer de belles choses accessibles à tous", a souligné la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, saluant "une très grande artiste et une femme libre". Andrée Putman introduisait dans les objets du quotidien "un petit ferment d'espièglerie, note Mme Filippetti, citant "un nouveau dessin pour le bec d'une cafetière qui empêche la goutte de tomber, un escalier conçu comme un collier, un nouvel écrin pour une grande marque de champagne..."
Une œuvre à part entière. Andrée Putman aura "changé le style du 20e siècle ou encore redéfinit l'élégance à la française", estime Didier Grumbach, président de la fédération française de la couture et du prêt-à-porter des créateurs cité par l'AFP.
Elle entretenait des liens étroits avec le monde de la mode, depuis l'époque où elle était devenue directrice artistique de "Créateurs & Industriels", société fondée par M. Grumbach en 1971. De cette aventure a éclos une nouvelle génération de talents comme Claude Montana, Thierry Mugler, Issey Miyake, Jean-Charles de Castelbajac...
La Grande Dédée n'a jamais pris sa retraite, elle s'est retirée avec élégance, après que sa fille Olivia a pris les rênes du Studio Putman en 2007", a indiqué à l'AFP Sébastien Grandin, directeur exécutif du Studio.
Ses obsèques se dérouleront mercredi en l'église Saint-Germain-des-Prés... mais n'allez pas lui lancer des fleurs : "La sagesse me pousse à accepter les hommages, je perds moins de temps qu'à les décliner. J'ai reçu beaucoup de récompenses, cela m'a fait zéro effet ", a-t-elle un jour rétorqué...