Céline Wright

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Qui a dit qu'artisanat et design n'étaient pas compatibles ? Surtout pas Céline Wright, créatrice et éditrice qui travaille et expose dans son atelier en banlieue parisienne aux côtés de grands autres designers. Ses luminaires et autres vases tous faits main avec des techniques ancestrales, aux formes épurées dont la matière - toujours naturelle - leur confère une présence vivante, ont touché les plus grands du design. Tout comme son côté nature et ses valeurs environnementales. Questions à cette attachante "artisan designer".

 

Céline Wright et son luminaire "Cirrus"
 
Céline Wright et son luminaire "Cirrus"
 
"Le travail fait main est la seule énergie humaine non polluante"

En quelques mots, quel a été votre parcours ? Côté études, vous étiez, au départ, partie sur la voie du textile… Qu'est-ce qui vous a conduit vers celle du design ?

J'ai commencé par un bac scientifique, suivi d'une formation à l'école supérieure des Arts Appliqués Duperré à Paris. Il est vrai que par le biais de cette formation, très large et créative, j'ai tout d'abord abordé le secteur du textile. Cependant, ce qui m'intéressait avant tout, déjà à l'époque, c'était le travail de la matière, du papier, du volume et tout ce qui tournait autour de la texture. Ce fut très enrichissant. On apprenait à se débrouiller, à chiner, à fouiller dans des poubelles, à trouver différents papiers et à réaliser des objets, faire des projets avec des emballages d'endives, des coutures de vêtements… Des expériences qui m'ont conduite vers la voie du design.

Et au niveau professionnel ?

J'ai tout d'abord été créatrice chez Louis Vuitton pour le design de la gamme "Vanity case" puis dessinatrice textile chez Catimini. Je réalisais aussi des objets chez moi comme de grandes théières style "Mille et une nuits" avec des jeux de transparence, des ajourés, etc. que je représentais à l'image de personnages comme des femmes africaines, par exemple. J'aime avant tout le côté expressif des objets et ce, quel que soit le domaine. Cela avait séduit à l'époque un galeriste qui n'existe plus à ce jour. J'ai également eu l'occasion de rencontrer Paola Navone lors d'un salon où j'exposais et pour laquelle j'ai créé une collection d'objets de décoration, notamment de la vaisselle. Et petit à petit, je me suis concentrée sur la création de luminaires contemporains, de vases…

Anglaise par votre père, franco-algérienne par votre mère, vous avez aussi passé une bonne partie de votre enfance au Japon. De quelle manière vos différentes origines et expériences influencent-elles vos créations ?

L'influence la plus évidente est certainement celle du Japon. Je suis convaincue qu'il y a un enrichissement non négligeable à connaître plusieurs cultures. Il existe des caractéristiques bien différentes et propres à chaque pays, une manière d'être qui se retrouve aussi dans les objets du quotidien, ce qui me plaît. C'est entre autres de par mon enfance au Japon que je tiens aussi mon goût pour le papier, car je travaille avec le "Shoji", directement exporté du pays. J'apprécie le côté zen de cette terre dont je me souviens, même si j'étais petite… Des jardins, des lieux divers, la sérénité, le calme mais aussi les emballages des repas ! Il y a un certain art de vivre dans les objets du quotidien qui m'a particulièrement marquée.

Et ce papier japonais avec lequel vous travaillez… Dites-nous en plus !

Le "Shoji" est une sorte de "Washi", un papier japonais, témoin d'un véritable savoir-faire ancestral. Je tente de redonner ses lettres de noblesses à ce matériau "oublié" dans notre société industrielle et qui, pourtant, regroupe de nombreuses vertus. Il est et reste très blanc, symbole de pureté à l'image de la neige… Délicat et fonctionnel, il est également très résistant - plus que du verre et à l'eau notamment - car il est produit à partir de fibres spécifiques et donc ne casse pas, ce qui rend ce matériau très intéressant pour le design. Volumineux et souple, il apporte aussi une sensation de légèreté grâce à la lumière qu'il dégage, en totale harmonie avec la nature. Je crois qu'il faut savoir puiser dans l'intelligence de certains matériaux, ne pas les oublier même si bien évidemment, on aime aussi le progrès.

Suspension "Ti amo Milan"
 

Suspension "Ti amo Milan" © Virginie Pérocheau

Ses autres créations en images

 

La nature justement, est-ce elle votre véritable source d'inspiration ?

Oui, tout à fait. J'observe jusqu'au moindre petit détail, je regarde un peu partout. Papier japonais, verre soufflé, galets, cailloux… j'ai tout particulièrement une préférence pour les matières naturelles qui apportent une touche de poésie et de sensualité, mêlées au travail à la main. J'apprécie le contact avec celles-ci, la simplicité : un pinceau et une forme. Point. Je donne des noms comme "Nuages", "Cocon" à mes collections qui leur ressemblent car j'essaie de chercher des formes émouvantes auxquelles s'ajoute une lumière. Le cocon est pour moi une petite forme qui a aussi ce côté protecteur très touchant. En clair, j'essaie de faire quelque chose de vivant, mais aussi d'unique. Par exemple, une feuille à peine accrochée à sa branche peut m'inspirer, je vais être touchée par cette fragilité. Puis je choisis des lignes, des couleurs et tente alors de retranscrire cette émotion avec cela.

Comment définissez-vous votre style ? Quels sont les maîtres mots de vos créations ?

Zen, délicatesse… Des aspects dûs aussi à l'avantage du papier que j'utilise qui offre des formes généreuses et en même temps, crée une certaine légèreté comme je le disais précédemment. C'est là toute la magie. Un de mes luminaires appelé "Cirrus" par exemple, très imposant par sa taille et suspendu par un fil invisible, n'est pas pour autant lourd… Le résultat d'une véritable réflexion technique mise au service de la légèreté.

Que souhaitez-vous apporter au design avec à vos créations ?

Pour ma part, ce qui m'intéresse, c'est exploiter des savoir-faire ancestraux, traditionnels et de réaliser avec cela un produit contemporain. En ce sens, je me qualifie d'"artisan designer". Je trouve que faire avec ses mains et pas grand-chose d'autre, avec l'environnement - comme au Vietnam où j'ai voyagé - est très valorisant : prendre ce qu'on a autour de soi et en faire une fonction. Il faut que le design soit plus dans l'astuce, avec des fonctions réelles. Ce que je pense, c'est qu'il faut aller au plus simple et ce, à l'aide des ressources naturelles. C'est en tout cas l'orientation qui m'intéresse, c'est la raison pour laquelle je suis en train de créer "Design & Environnement", un collectif rassemblant designers et artisans choisis selon des critères esthétiques et environnementaux. Cette association a pour but de rassembler une filière sur la question environnementale de plus en plus présente dans le monde du design. Il faut valoriser l'artisanat, qu'il soit en dehors de nos frontières ou pas, et créer des ponts entre celui-ci et le design. Il faut décloisonner ces deux mondes. Il n'y a pas que l'industriel qui peut être voué à la grande consommation.

Vous êtes sensible à tout ce qui touche au développement durable et à l'écologie en général. Pouvez-vous nous expliquer cet engagement qui vous tient tant à cœur ?

La raison, c'est que j'aime beaucoup la nature et que cela m'inquiète qu'elle soit autant menacée. Il ne faut pas "opprimer" la planète. Par exemple, pour le papier que j'utilise, il n'y a aucune dévastation de forêts. Dans notre société actuelle, le but ne doit pas être de consommer le maximum de choses. Je ne crois pas qu'il faille toujours aller au moins cher et au plus facile. J'aime bien l'idée d'autrefois avec plus de petits commerces qui évitaient les emballages, l'idée des choses simples et de ne pas retirer de "l'humain". Et par ailleurs, je suis intimement convaincue qu'il existe une vraie intelligence manuelle, qui redonne aussi un sens à la vie des gens.

Que cherchez-vous à mettre en avant dans vos créations ?

L'idée est de créer des objets en totale harmonie avec la nature. Tout ce que je fais, c'est puiser dans la nature puis sculpter une forme unique et vivante. Je tente de réaliser un certain volume à l'aide des matériaux spécifiques que j'utilise, notamment le papier japonais, qui donnera ensuite naissance à cette forme. En résumé, c'est créer une intervention humaine en harmonie avec la nature et surtout, prendre une place plus humble. Dans toutes mes créations, je cherche avant tout à faire passer des émotions, pour qu'on ressente une fragilité, quelque chose de proche de la nature dans un objet… Et cela reste pourtant du design et quelque chose de fonctionnel.

Parlez-nous de vos techniques de travail et ce goût pour l'artisanat et le fait main...

Le travail fait main est la seule énergie humaine non polluante. Je fabrique donc toujours tout à la main, c'est une manière de travailler qui est très agréable, il n'y a pas de machines, etc. Et puis l'on peut travailler n'importe où, tout est possible quand l'outillage est léger et il y a un confort certain là-dedans. Je considère que l'on peut utiliser des matériaux et des techniques de fabrication non polluants tout en optant pour une esthétique résolument moderne et fonctionnelle. L'artisanat a de nombreuses vertus. C'est très valorisant et il y a plus d'âme dans la création. Même si je crois aussi que le côté industriel doit, bien entendu, continuer en parallèle. Il faudra toujours des machines pour le gros œuvre, les choses difficiles… Mais pour ce qui est du fait main, le résultat est toujours différent, avec ce petit côté unique de la pièce. Je crois que le consommateur comprend mieux l'objet qu'il a entre les mains, plus que dans l'industriel où finalement il ne sait pas comment cela a été fait. J'aime cette compréhension du produit beaucoup moins impersonnel. On le respecte plus, on ne le jette pas à la poubelle comme on jetterait quelque chose passé de mode par exemple.

Céline Wright
 
Céline Wright
 
"Mon style de créations est assez universel et intemporel pour s'intégrer à de nombreux styles déco"

Pourquoi vous êtes-vous principalement concentrée sur les luminaires ?

Car il y a une magie là-dedans ! La lumière, c'est la vie. Elle est liée à la nature. Et par ailleurs, elle révèle la matière. Je fabrique également des vases car j'aime beaucoup le végétal. Un de mes modèles, "Stalactite", a été créé pour mettre la fleur la plus en valeur, l'accrocher dans l'espace, tout comme les vases "Bulles" où l'on voit effectivement l'eau dans une bulle avec une fleur. Très nature. Tout ce que j'aime !

A quel(s) style(s) de déco dédiez-vous vos créations ?

Je pense que mes créations peuvent s'intégrer à tous les styles de déco. J'aime justement la confrontation entre le genre de produits que je fabrique et des intérieurs d'architectes, contemporains ou, au contraire, plus traditionnels. Mon style est assez universel car intemporel, ce qui colle avec plein d'intérieurs. J'aime les produits simples pour cela. Je ne suis pas les phénomènes de mode et tente de créer des objets qui ont un sens, une âme. C'est davantage un travail personnel et ce, pour répondre à des attentes très diverses en matière de déco.

Avez-vous des références et des exemples de créateurs dans le milieu, qui sont pour vous des modèles et une véritable source d'inspiration ?

Ingo Maurer pour sa liberté de création et sa véritable technique. Il y a dans ses créations une grande liberté poétique, il exprime beaucoup de choses dans les objets. Il n'a pas peur, il ose. Et bien évidemment, j'apprécie le travail de Pascal Mourgue. Il est très bon dans l'industriel mais aussi dans son travail personnel moins connu du public, en sculpture notamment avec l'utilisation des différents matériaux. Il a cette double casquette et c'est très intéressant de pouvoir passer de l'un à l'autre. Il a une réelle richesse créative et prend en compte également la valeur durable dans un objet pour que celui-ci ait un sens. Nous avons un projet en cours ensemble d'ailleurs.

Vous exposez sur des salons internationaux du design et travaillez avec bon nombre de marques et d'éditeurs comme Steiner, Ligne Roset ou encore Roche Bobois. Quels sont vos projets ?

Il est vrai que travailler avec différents éditeurs et marques permet de toucher un public plus large. C'est beaucoup plus facile en faisant ce type de collaborations très pros et sérieuses. Côté projets, j'en ai un avec Steiner avec la création d'une lampe en bois. Je vais également réaliser une gamme pour l'Atelier SEDAP - surtout connu pour ses moulages en plâtre - appelée "Zen". Une partie a déjà été montrée au Salon International de Milan. Et j'ai mes projets à moi aussi ! Je travaille de plus en plus avec des architectes qui comprennent les intérêts du papier (pour la composition de faux plafond par exemple), le fait que ça ne casse pas, que ça éclaire bien. De ce fait, j'ai envie de développer aussi le sur-mesure, leur proposer des pièces uniques. Et pour l'actualité, je continue à participer au Salon Maison & Objet ou à des expositions comme à Stockholm.

 

Ses créations en images

 

En savoir plus www.celine-wright.com


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