Hervé Matejewski propose depuis plus de 7 ans, sous sa griffe, des collections aussi belles qu'originales, dont des luminaires inventifs qui ont fait sa gloire. Questions à ce touche-à-tout passionné par son métier.
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Hervé Matejewski
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"Quand je crois dans un produit, je veux pouvoir me battre pour le défendre" |
Vous avez eu un parcours professionnel un peu atypique. Pouvez-vous nous le retracer dans les grandes lignes ?
Au départ, j'ai été cuisinier dans des grands restaurants de luxe. Un métier qui impliquait un style de vie dont je me suis vite lassé. Je suis alors devenu commercial chez Havas pendant 10 ans. Jusqu'au moment où j'ai eu envie de faire autre chose de ma vie. Nouveau tournant : j'ai intégré une école de design pour suivre pendant un an des cours de design industriel. Je me suis lancé à mon compte tout de suite après.
C'est un changement radical...
Oui, mais en réalité, cela s'est inscrit dans une certaine continuité. Je bricolais beaucoup chez moi, je faisais des objets, des rideaux... Cela n'a pas été une rupture. Au début, j'ai proposé ces objets dans différentes boutiques et je me suis rendu compte que ça marchait. J'ai donc très vite créé ma société.
Justement, pourquoi avoir choisi de monter tout de suite votre propre société plutôt que collaborer avec des éditeurs ou des marques ?
En fait, il m'arrive toujours de collaborer avec des marques comme Lestra. Mais je n'avais pas très envie de travailler pour d'autres. La première raison, bien évidemment, c'est que c'est plus intéressant financièrement. Mais à côté de cela, je désirais aussi tout contrôler. Vous savez, quand vous travaillez pour d'autres, si les produits ne marchent pas tout de suite, ils ne reconduiront pas la collaboration. Moi, quand je crois dans un produit, je veux pouvoir me battre pour le défendre. C'est pour cela que j'aime travailler en direct avec mes clients. Aujourd'hui, je suis à la fois créateur, chef d'entreprise, directeur artistique et commercial. J'ai même été professeur de design, aussi...
Vous avez d'ailleurs déjà travaillé pour le cinéma...
Oui, j'ai créé des luminaires pour Brian De Palma : mes "Totems" apparaissent dans son film "Femme Fatale". J'ai également eu des produits dans "La Vérité si je mens 2" ou "Podium". Il y a eu des publicités pour Clarins, aussi. L'an prochain, je vais collaborer avec Le Coq Sportif en leur créant une gamme de vêtements et d'accessoires de sport en toile de Jouy fluo, qui sera en vente en septembre 2008.
Justement, vous avez déjà beaucoup utilisé la toile de Jouy dans vos créations. Vous aimez jouer de son côté un peu désuet ?
La toile de Jouy m'évoque des souvenirs liés à l'enfance, comme le velours de Gênes. Mais ce qui me plaît le plus, c'est de montrer que ces textiles peuvent avoir un côté très moderne. Il suffit de les reteinter, en fluo par exemple, pour leur donner tout de suite un autre esprit. L'aspect décalé séduit beaucoup les clients aujourd'hui. Je pense avoir été précurseur dans ce domaine. La preuve, on voit à nouveau beaucoup, aujourd'hui, de toile de Jouy.
Vos créations font une large place, également, à l'image et aux photos ? C'est le côté trompe-l'il qui vous attire ?
Au départ, quand j'ai sorti mes premiers objets-photo, en septembre 2001, la photo n'était pas du tout présente dans la décoration. L'idée m'est venue par mon père qui était photographe. J'avais trouvé alors, en fouillant dans ses vieux clichés, des images de famille incroyables. Ma grand-mère à la plage, par exemple, et tout y était bleu : la mer, le sable, et même ma grand-mère. Il y avait dans ces clichés quelque chose de désuet mais en même temps de terriblement à la mode. J'ai trouvé intéressant d'exposer ces photos sur des objets pour pouvoir en profiter. En général, on finit par classer les photos dans des albums et on ne les regarde jamais. J'ai donc reproduit sur des lampes et des panneaux lumineux des photos de 1962 à 70. Et cela a très bien marché.
"Il y a des jours où je n'aime pas les couleurs" |
Vous semblez avoir une prédilection pour les luminaires, c'est ce qui vous inspire le plus ?
Mes premières créations étaient des bougeoirs et des photophores. Des petites pièces donc, mais qui étaient déjà en relation avec la lumière. Car j'adore la lumière, c'est un élément capital dans une maison ou un appartement. Mais j'aime aussi beaucoup la céramique et la vaisselle. C'est pour cela que je sors une nouvelle collection tous les ans. La première était les érotiques i nspirés de Fragonard. Cette année, c'est la collection Clouet et l'an prochain, ce sera un service autour de Cyrano de Bergerac.
Côté couleurs, on peut avoir l'impression qu'avec vous, c'est "tout ou rien" : soit très flashy, soit très sobre...
Oui, c'est vrai. Il y a des jours où je n'aime tout bonnement pas les couleurs ! Moi qui ai été élevé dans un esprit très "pas de rayures avec des carreaux et pas de bleu marine avec du noir", je dois reconnaître que j'aime plutôt les mélanges. Mais parfois pas. Je pense qu'il faut que les créations sachent être sobres aussi, parfois. Je pense également aux gens qui vont acheter ces pièces. Si leur intérieur est déjà très coloré, pas besoin d'en rajouter, ils préféreront une pièce discrète. A l'inverse, si tout est épuré chez eux, ils seront sans doute ravis d'intégrer un article très coloré.
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La surprenante tente de camping "Vache"
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Existe-t-il une pièce dont vous soyez le plus fier ?
Je dirais le "Totem lumineux", qui est une de mes premières créations (il date de 2000) et qui marche toujours très fort. Plus récemment, il y a aussi la tente de camping "vache" qui m'a bien fait rigoler... En fait, tout me plaît pour une raison très simple : je ne crée des choses que pour mon plaisir personnel. Je ne cherche pas à vendre ou à suivre les tendances mais à réaliser des pièces qui me plaisent. Je fais les choses par passion. Je suis entouré de gens passionnés et passionnants et je reste persuadé que créer sans passion, c'est impossible.
Avez-vous des références, des modèles, parmi les designers d'hier et d'aujourd'hui ?
J'adore le mobilier de Jean Prouvé et de Charlotte Perriand. J'aime beaucoup aussi Hilton Mc Connico, son personnage, sa gentillesse, l'humour dont il fait preuve dans ses créations. Je n'aime pas les gens qui se prennent trop au sérieux. Enfin, j'apprécie beaucoup le travail de Christian Ghion, avec qui j'ai déjà eu l'occasion de collaborer.
Ses créations en images