Pierre Paulin, un mythe encore moderne

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Pierre Paulin assis dans le fauteuil Globe. Crédit Archives Paulin
Iconoclaste, Pierre Paulin le reste les 80 ans atteints. Il l’a toujours été, et, à ceux qui voudraient lui poser trop franchement une étiquette "pop" années 1960/1970, il répond sans détour que l’esprit créatif actuel est en piteux état. Un tempérament bien trempé pour des créations révolutionnaires, et ce, même en ce début de XXIe siècle. Tour à tour créateur, designer industriel et directeur artistique pour Calor-Teyfal, décorateur d'intérieur pour le palais de l'Elysée et directeur de l'agence ADSA, il est une figure incontournable de l'histoire du design français.


Une révolution par le stretch
Il voulait être sculpteur, comme son oncle. Un accident sectionnant le nerf de son pouce, il devra changer de vocation. Un autre de ses oncles, designer industriel pour les automobiles, va fortement l’influencer. Il sera donc designer. Très vite, il découvre la sobriété du mobilier nordique, et s’influence largement des noms de Herman Miller, George Nelson, ou encore Ray et Charles Eames, dont il dit qu’ils "incarnent le mieux le XXe siècle".

Audacieuses et fonctionnelles, ses créations exhalent la modernité et lui donnent un style unique, où les couleurs vives et les formes sensuelles envahissent l’espace. La révolution, il la fit d’abord avec du stretch, en l’associant à des fauteuils et des salons très colorés. Le tissu élastique fut son fer de lance de la modernité des années 1970 et il fut en effet le premier à habiller des fauteuils avec du tissu ou de la mousse.

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"Ribbon Chair"
Son fauteuil "Mushroom", sa "Ribbon Chair" ou sa chaise longue "The Tongue" font fureur, et les collectionneurs des années 1960/1970 se les arrachent. Mais Pierre Paulin, lui, semble détaché de cet engouement. Il raconte à ce sujet que "le modèle le plus abouti reste le n° 560, celui qui a stupidement été baptisé "Mushroom". Je l'avais travaillé comme une réécriture de la bergère ou du crapaud. Ce fut le premier de la série à être entièrement habillé de tissu. Mais, alors qu'il était conçu pour un confort décontracté, au ras du sol, son assise a récemment été rehaussée, à la demande des clients. Rendez-vous compte : on est passé d'une société de jeunes gens, dont je faisais partie, à une société de jeunes vieillards !". Un extrait de son interview à L’Express qui retranscrit bien sa personnalité si hétéroclite.


Des réalisations prestigieuses mais "officielles"
Il connut la célébrité en 1972, lorsqu’il a redécoré les intérieurs de l’Elysée pour Georges Pompidou. Il ne s’en est jamais défait, mais cette collaboration lui a valu, selon ses mots, d’être "exclu" : "les socialistes me l'ont fait payer par la suite. Ils me trouvaient passé de mode". Ce franc-parler légendaire ne l’a cependant pas empêché d’avoir un parcours impressionnant, comprenant notamment la création de mobilier pour le bureau du Président François Mitterrand, l’aménagement des Grandes Galeries du Louvre (1968-75), celui du pavillon français d’Osaka (1970), d’une ligne de produits pour Calor (1984-85), l’aménagement intérieur des avions Airbus (1990), le réaménagement des salles à manger du palais de l’Elysée (1998), ou l'installation du centre Pompidou sur les années 1950 à 1980 (2002-2003)… La liste est longue et prestigieuse.



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Villa Noailles. Crédit Michel Mallard
Un réfractaire snobé ?Il a choisi un refuge dans les Cévennes, et l’on ne peut s’empêcher de penser qu’il a trouvé sa contrée rebelle et reculée. Une terre réputée sauvage correspondant à merveille à ce caractère sans détour, tendance misanthrope. Il y vit en retrait depuis 15 ans, en compagnie de sa femme. Une icône des années 1970 il se revendique et se révèle d’une modernité tout à fait actuelle. Exposé, reconnu et convoité dans le monde entier, la France semble l’avoir un peu boudé… A moins que ce ne soit l’inverse ? Il n’en demeure pas moins que la Villa Noailles est le premier lieu lui consacrant une rétrospective, comme cadeau d’anniversaire pour ses 80 ans.  


Première rétrospective à la Villa Noailles
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Villa Noailles. Crédit Joel Tettamanti
Surnommée "Superdesigner" dans le titre même de l’exposition, Pierre Paulin a toujours son mot à dire : "Je suis un normal designer. Je n'ai jamais dessiné qu'au service du public. Je ne mérite pas une couronne, je mérite d'avoir bien fait mon travail. Pas plus."… Il n’empêche que son style suit un fil conducteur extraordinairement prolifique, et que son influence au fil des générations est magistrale. Depuis ses premières créations de mobilier, largement inspirées du design nordique et américain des années 1950, le parcours de l’exposition suit une évolution devenant de plus en plus personnelle et novatrice. Chaises colorées et arrondies, intérieur moderniste du président Pompidou, les éléments les plus connus de son œuvre se retrouvent dans la partie "Assises Superstars" et "Elysée, Superstand"… Mais cette époque phare a trop souvent laissé dans l’ombre la suite de son travail, où se retrouvent des objets industriels usuels des années 1975 à 1990.

Comme un emblème de sa véritable modernité, la rétrospective sur Pierre Paulin s’inscrit dans une manifestation très actuelle : la deuxième session de la "Design Parade", qui a pour but la découverte de talents futurs et mettant en compétition 10 jeunes designers du monde entier. Paulin renouvelle donc sans cesse son esprit si contemporain.

» Exposition "Pierre Paulin Superdesigner", dans le cadre de la deuxième édition du festival international "Design Parade" : jusqu'au 23 septembre à la villa Noailles, Hyère.
Informations pratiques : www.villanoailles-hyeres.com

A noter également que le Mobilier national, à Paris, consacrera une exposition à Pierre Paulin, en novembre 2007. L’exposition Pierre Paulin, superdesigner sera présentée au Grand-Hornu (Belgique) de mars à juin 2008. Un catalogue villa Noailles / Grand Hornu sera édité à cette occasion.